Etienne Perret, XXV Fables des Animaux. Delft, 1618 Transcriptie o.b.v. het Bibliothèque de la Ville de Lyon en gecheckt op Gallica (BNF) Dit digitale bestand is gemaakt door Dirk Geirnaert (Instituut voor de Nederlandse Taal / Universiteit Leiden), in het kader van het NWO-project Aesopian Fables 1500-2010: Word, Image, Education. Voor dit project werden ook transcripties gemaakt van Eduard de Dene, De warachtighe fabulen der dieren (Brugge, 1567), Esbat[e]ment Moral des Animaux (Antwerpen, 1578), Etienne Perret XXV Fables des Animaux (Antwerpen, 1578) en Anthoni Smyters, Esopus fabelen (Rotterdam, 1612), - afkortingen staan tussen <abb></abb>; - de bladvullende illustratie bij elke fabel is vervangen door de aanduiding {ill}; - onder de Allusion staan bijbelcitaten; deze bijbelcitaten bestaan uit het bijbelvers (tussen <bv></bv>) en de bijbeltekst (tussen <bt></bt>). FABLES DES ANIMAVX. Vray miroir exemplaire, PAR LEQVEL TOVTE PERSONNE RAISON- nable pourra voir & comprendre, avec plaisir & conten- tement desprit, la conformite & vraye similitude de la personne ignorante (viuante selon les sensualitez char- nelles) aux animaux & bestes brutes: COMPOSE ET MIS EN LVMIERE PAR ESTIENNE PERRET. CITOYEN DANVERS. [ ] Imprime à Delf, Chez ADRIEN GERARDS, lan 1618. En ce Livre verrez belle comparaison, De lhomme a lanimal, qui vit contre raison. LAVCTEVR AV LECTEVR. E stimer il nous faut la personne vivante S elon laffection charnelle, sans raison, T el & moins quon feroit vn asne, ou vn oison; I uge jen fay chacun qui de savoir se vante. E t pensons nous que Dieu, qui de sa main puissante N ous a ainsi douez (le craignant) de science, N e nous chastie aussi pour nostre grand offence, E n layant oublie, comme beste inconstante? P our doncques resister à la chair arrogante, E t acquerir de Dieu ce don promis de grace, R efrener il la faut, a fin quelle ne face R ien contre la raison, comme beste ignorante: E mployant nostre esprit (quest de Dieu lefficace) T ellement quacquerions sa gloire triomphante. <bv>PSEAVME VIII.</bv> <bt>SEIGNEVR Dieu, tu as fait & creé pour lvsage De lhomme tout ce qui est apparent a ses yeux: Tellement quil ny a animal sous les cieux Quil ne face fremir, sil est prudent & sage.</bt> {ill} I. Du Cheval de guerre, & de la Truye. Jl vaut trop mieux mourir avec honneur, Que mal vivant acquerir deshonneur. VN Cheval fort gaillard & brave outre mesure Richement adorne, & en bel equipage, Sur sa teste portant vn bien riche pennage, Vers la guerre est alle pour servir de monture. Vne Truye voyant son maintien & allure Tant brave & orgueilleux, luy a dit povre beste, Tu ne retourneras si ioyeux de la feste: Car qui la guerre suit, vit en grand aventure. Le Cheval ce oyant, en regardant la Truye, Qui grand plaisir prenoit soy veautrer en lordure, Luy a dit: mieux me vaut honorable aventure Acquerir par travail, au vent & a la Pluye; Que vivre comme toy, qui de rien te soucie, Fors qua toy engraisser, vivant bien ordement, Attendant quon te tue jour vn cruellement. Qui aime oisivete, dhonneur neut oncq envie. ALLVSION AInsi plusieurs chetfs & vilaines personnes Tresmalings & pervers, suivant tout leur desir Charnel & vicieux, vivans à leur plaisir Tousiours vont reprenant ceux qui font aeuvres bonnes: Esbahir ne sen faut, car leurs humeurs consonnes Ne sont aux vertueux, qui ne taschent qua croistre Leur renom par bien-faicts, & se faire cognoistre. Plus leur fore monstrant que lions & lionnes. <bv>GAL. VI</bv> <bt>Que chacun prudemment bien oespreuve son oeuvre, Lors pour vray gloire aura en soy, non en antruy. Ne mettons point ausci sur autruy nostre appuy, Car Dieu cognoist les coeurs, & nos mal-faits descoeuvre.</bt> {ill} II. De lAigle, & Limasson. Celuy qui cerche à trop haut sexalter, Lon voit souuent bien bas precipiter. LE Limasson fasche de se trainer par terre, Promet de fort grans dons a celuy qui voudroit Dici bas leslever envers le ciel tout droit: Et quen outre seroit tousiours son tributaire. LAigle oyant ces propos, pour de luy prouffit traire, Haut il la esleve: dont a este ioyeux. Et bien luy a semble tel estat valloir mieux, Quen ce monde mener vie si solitaire. Le Limasson en lair menoit ioyeuse vie, Pensant quici bas plus sur terre ne viendroit: Mais lAigle luy a dit, Paye-moy or endroit Ce que tu mas promis, avant que trop mennuie. Dont la Limasse eut peur: & bien fort lAigle prie De le vouloir quitter. dequoy par trop faché, Entre les ongles vif la par piece escaché. Promettre lon ne doit, ce que pouvoir denie. ALLVSION. Le cas pareil souvent à plusieurs il advient, Qui par ambition cerchent de sexalter, Ne pouvans leurs desirs par raison contenter: Parquoy tresgrand malheur tout a coup leur survient. Mais qui en son estat bien content se maintient, Et rend graces à Dieu de ce quil luy enuoye, Iceluy a son coeur en repos plain de ioye. A lorgueilleux tousiours quelque malheur advient. <bv>LVCAE XII.</bv> <bt>Celuy qui est content de sa vocation, Et par orgueil ne cerche à trop soy exalter, En vertu & en biens le verrez augmenter, Et povrement finer qui cerche ambition.</bt> {ill} III. Du Lion, et du Sanglier. Le mal de lvn, comme on voit en ce monde, Tousiours au bien de quelque autre redonde. LE Lion courageux en son chemin rencontre Vn Sanglier furieux, tout prest à loutrager. Et lapprochant de pres, Il te faut revenger, Dit-il, ou de mes dents te donray mal-encontre. Le Lion gayement sa force luy demonstre, Se sentant si a coup vilement outrager; Et si luy saute a dos, sans se descourager: Lvn à lautre au mieux mieux sa force la desmontre. Vn Vautour les voyant en si fiere bataille, Bien attentivement assis sur vne branche, Voyant le sang couler tout du long de leur hanche, Sasseure de remplir daucun deux son entraille, Veu quainsi sassailloyent & destoc & de taille. Mais en la fin changea sa ioye en desconfort, Car nul ne fut vaincu; cestoit fort contre fort. Tel en vain maintes fois son esprit fort travaille. ALLVSION. LE pareil tous les jours voit-on en tous estats, Et sur tout entre ceux qui ne craignent point Dieu. Car qui met son espoir sur hommes en tout lieu, Ceux-la hayent la paix, & cherissent debats. Quest-ce que plus esmeut questions & combats Entre tous les humains, quEnvie & Avarice; Et nostre propre gain, de tous maux la nourrice? Cest la cause pourquoy Dieu nous chastie, helas! <bv>APOCAL. II.</bv> <bt>Qui sçait vaincre peche, du monde est le plus fort, Et en tous griefs dangers se treuve soulage. Et qui patience a quand il est outrage, Quil naye point de peur de la seconde mort.</bt> {ill} IIII. Du Renard, & du Corbeau. Le beau parler dvn flateur fort redoute; Car bien souvent est trompe qui lescoute. LE Corbeau en son becq tenoit vn gras fromage, Sur vn arbre branche, pour diceluy repaistre. Vn Renard le voyant, en finesse bon maistre, Y accourt vistement & monstrant bon vsage, Luy dit en le flattant, quoncques plus beau plumage Il ne vist que le sien; ni oiseau mieux chantant: Monstrant que pour louir il estoit escoutant. Vn flateur volontiers vse de faux langage. Le Corbeau se sentant si grandement priser, Et principalement son chant melodieux, Commence a gazouiller: & le fromage vieux Tombe en ouvrant son becq, se laissant abuser. Le Renard si lempoigne, & sans temporiser Senfuit: & le Corbeau mal repeu, & dolent Davoir ce finart creu, trop tard il se repent. Tousiours verrez flateurs aux mondains sadresser. ALLVSION. LE flateur a ses dicts & faicts fort variables; Et monstre destre ami tant que fortune dure: Mais soubs vn faux semblant rend peine & si procure De vous tromper, sil peut, par ses traicts decevables. Garder donc il sen faut, puis que sont si instables; Et croire au vray ami qui parle verite; Aimant plus vostre bien que sa commodite. Ceux qui croyent flateurs, en fin sont miserables. <bv>ECCLES. VII.</bv> <bt>Mieux dvn sage & prudent il vaut estre repris, Et souffrir pour vn mieux, par son advis, dommage; Que dvn flateur pervers, par son faintif langage Se laisser abuser, & a son grand mespris.</bt> {ill} V. De Iupiter, & du Serpent. Dons accepter lon ne doit de personne, Sans bien penser quel est celuy qui donne. IVpiter a tenu vn festin magnifique, Auquel il a semons plusieurs dieux & deesses. Et a fin de tant plus recreer leur noblesses, Commande aux animaux par sa voix deifique, Que chacun vn present rare & aromatique Leur vinse presenter; sans mettre en oubliance Le debuoir quvn chacun leur doit & reverence; Bannissant tous ceux-la qui ont le coeur inique. Le Serpent cauteleux le premier se presente, Vne Rose tenant tres-belle en son museau: Mais le Dieu Iupiter bien cognoissant loiseau Malin & veneneux, luy a dit, quindecente Son offrande sembloit aux Dieux, & moins recente. Et vn malin aussi ne se doit accepter En bonne compaignie, ains du tout regetter, Et accepter celuy qui loyaute attente. ALLVSION. TOut ainsi en advient au superstitieux, Qui sous vn faux semblant veut a Dieu faire offrande; Et cependant ne scait ce quil dit ou demande, Tant a le coeur malin, pervers, & odieux. Dieu veut quayons le coeur pur, & non vicieux: Ayant de nos pechez regret & repentance, Et que dvn coeur contrit en facions penitence: Carl e malin esprit nentrera point es cieux: <bv>ECCLES. XXXV.</bv> <bt>Loffrande du pecheur est a Dieu aggreable, Et la senteur dicelle en monte iusque aux cieux, Pourveu que le coeur soit en bien devocieux; Car Dieu au coeur contrit est tousiours favorable.</bt> {ill} VI. Du Cheval sans charge, & de lAsne charge. Chacun deuroit avoir cure & grand soin De son prochain, & laider au besoin. VN riche paisan en foire sen alloit, Menant vn gras Cheval, non charge, a la main: Et son Asne il avoit, comme trop inhumain, Tant charge de fardeaux, que par force il falloit Quil eust aide, ou tombast; tant le faix laffolloit. Parquoy prie au Cheval de laider au besoin: Mais refus luy en fait, de son mal nayant soin; Et tant que peut de luy se moquant reculoit. Le paisan fasche du refus quavoit fait Le Cheval à son Asne, estant par terre cheut, Par courroux vn desdain sur luy soudain conceut: Et chargea sur son dos, pour peine du mesfait, De lAsne le fardeau: dont nestant satisfait, Tant de coups de baston luy donne quà merveille, Le paysant a bon droict de monnoye pareille. Et lAsne ce voyant, de son mal se refait. ALLVSION. SI nous voyons lami en danger ou en paine, Et que nous ayons bien le moyen de laider, Promptement le deurions faire, sans marchander. Car lhomme vertueux, qui ne porte au coeur haine, Du prochain a pitié, cest chose tres-certaine, Et laide a supporter son mal autant que peut: Mais le malin pervers ainsi faire ne veut, Par ce que lennemi ou il veut, il le meine. <bv>LVC VI.</bv> <bv>GALATES VI</bv> <bt>Aimez vos ennemis, vivans en ferme foy; Et si faites plaisir à celuy gui vous hait: Secourez le prochain, & de dit & de fait: Car qui ainsi vivra, accomplira la Loy.</bt> {ill} VII. Le Rat domestique, & lHuistre. Qui friamment veut du tout vivre au monde, Malheur le suit, & de tout vice abonde. VN domestique Rat gros & gras a merveille, Bien nourri friamment de vivres a plante; Mais ne se trouvant point de tout ce contente, De cercher nouveau mets prend cure nompareille, Et pour le recouvrer au possible travaille: Sortant de son manoir la fortune a tente; Et lair nouveau luy à son desir augmente, Peu se doutant du mal que pour luy sappareille. Venant donc sur le bord de la marine: a veu Vn Huistre, qui pour lair recevoir bien fort baille: Cest toy, dit-il, que veux avoir, vaille que vaille, Ne se doutant que tost se trouveroit deceu: Car la teste mettant dans lHuistre à limpourveu, En se hastant, de peur que ce morceau luy faille, LHuistre par le museau lattrappe en son escaille. Par vouloir gourmander ce dommage a receu. ALLVSION. AInsi advient souvent a ceux qui saccoustument De vivre a leur plaisir, en lorde gourmandise: Et pouvans accomplir leur grande friandise, Estre les plus heureux de ce monde ils presument. Mais tous ceux qui leur coeur dvn tel feugrecq allument, Et qui a labandon suivent telle sottise, Iceux ne craignent Dieu: & par leur grand bestise, Leur ame, corps, & biens, en mal-heur ils consument. <bv>HEBR. XII.</bv> <bv>ECCLES. XXIII, & XXXVII.</bv> <bt>Gourmandise pour vray engendre maladie; Et Esau en perdit sa primogeniture: Mais qui son corps maintient dhonneste nourriture, Et qui sobre sera, ralongera sa vie.</bt> {ill} VIII. Du Cheval, & de lAsne charge de bois. Nul ne se doit trop fier sur son heur, Ni estimer travail estre malheur. LAsne qui iour & nuict au travail tracassoit, Et sobrement traite estoit pour recompense; Voyant vn beau Cheval venir en sa presence, Bien gras, & non charge; mal-heureux sestimoit, De porter tant de coups que souffrir luy failloit Sans cesse & sans repos: & que le Cheval vie Si gaye demenoit mais quoy quil luy envie De sa vocation, il faut que content soit. LAsne a laccoustumé au travail continue, Combien quà contrecoeur, & bien plus laschement; Parce que le Cheval il voyoit friamment Estre traite, & luy a porter bois se tue. Advint que le Cheval subit a limpourveve Fut selle & bride pour aller à la guerre: Ce que lAsne voyant, content sen va grand erre: Et craingnant davoir pis, en son mal sesvertë. ALLVSION. FOrtune oncques ne fut si constante & prospere A aucun, quen la fin ne luy donne mal-aise. Et souvent il advient, que qui vit à son aise, Infortune le suit, & son bon-heur altere: Et pensant estre seur, vne douleur amere Le vient tost assailir; tellement que sera Povre esclave & martyr, & ainsi il moura. Que nul, pour bien ou mal, de son heur desespere. <bv>I. CORINTH. X</bv> <bt>Celuy qui est debout, prevoye prudemment Que par ambition ne vienne a trebucher: Car que par son bon heur vient a se desbaucher, Dieu permet quen malheur il tombe impudemment.</bt> {ill} IX. Le Paisan & le Satyre. LHomme faintif & dissimulateur, Double en parler il est, & grand menteur. VN Satyre en vn bois se trouuoit ayant froit: Lequel a son grand heur vn Paisan rencontre: Si luy dit: Mene moy, ou le chemin me monstre Pour sortir de ce lieu: car mon desir seroit De tresbien me chauffer: cela me referoit. Le Paisan tout court en sa maison le meine, Rechauffant en chemin ses mains de son haleine. Et dapprendre cest art, le Satyre aspiroit. Quand furent arrivez, la femme leur presente Vn escuelle a chacun pleine de chaut papin. Le Paisan subit comme vn franc turlupin, En la sienne a souffle, & a menger attente: Le Satyre en ceci son esprit fort tourmente, Voyant quvn mesme vent eschauffe & refroidit: Parquoy subit partant au Paisan a dit, Mal-heureuse bouche est, qui souffle a double entente ALLVSION. IL sen trouve plusieurs, qui dvne mesme bouche Grand bien diront dautruy, & subit en mesdisent: En quoy les vertueux bien fort se formalisent; Car le faintif parler iusques au coeur leur touche. En quel plus grand danger ou cruelle escarmouche Se pourroit-on trouver, que de sestre fie En vn faintif parleur de coeur falsifie? Pour vray si cruel nest vn tygre tresfarouche. <bv>ECCLES. II</bv> <bv>IACOB IIII.</bv> <bt>Malheur à celuy-là qui est double de cueur, Et qui du droit chemin à escient desuoye: Aussi mal-heureux est, & de lennemi proye, Qui son prochain tourmente, & le tient en langueur.</bt> {ill} X. Du Serpent Basilicq, & de la Belette. Prudent conseil est defficace telle, Que vaincre scait malignite mortelle. LE Serpent Basilicq, cruel, plain de malice, Pervers & vicieux, sans aucune pitie Par son regard infect & grande inimitie, Destruit tout ce quil void, tant est rempli de vice. Advint quen ce doutant, par naturel indice, La Belette, animal trespetit, mais prudent, Quadvenir luy devoit vn peril evident, Contre son ennemi print armure propice. Larmure quil a prins, ca este de la Rue, Herbe de grand vertu, fort contraire au venin: Par lequel il a fait son ennemi malin Vaillamment reculer, & esblovir sa veve. Le Serpent se voyant ainsi a limpourveve Surpris dvne senteur qui le cuida crever, Le petit animal il laissa sans grever. Souvent vn foible corps la prudence esvertue. ALLVSION. CHacun estre deuroit prudent & sur sa garde, Pour scavoir en tout temps a lennemi pervers Resister constamment: car cest la sauvegarde Pour point nestre surpris par ses assaux divers. Et dvn grand ennemi les faux tours & revers Souvent vn petit corps par prudence retarde: Car lesprit est du corps la vraye sauvegarde: Mais limprudent nest bon que pour nourrir les vers. <bv>LVC. XI, XXI, & XXII.</bv> <bt>Lhomme prudent & fort, qui bien sa maison garde, Possede tout son bien en paix & sauvegarde: Mais si autre plus fort survient & le surmonte, Lors tout ce qua luy prend, le confond, & le donte.</bt> {ill} XI. Du Lion, & du Cheval. Sage & prudent faut estre & advise, Pour resister au fin & faux ruse. LE Lion, animal de tresfiere nature, Vn Cheval a trouve en vn pre verdoyant: Auquel a dit, questoit (de pres le costoyant) Vn maistre qui scavoit guerir toute blessure. Parquoy si aucun mal tu as ou paine dure, Di-le moy hardiment: car pitie fort me meut: Et aussi suis celuy qui bien faire le peut. Mais croire lon ne doit trompeur, combien quil iure. De son dol se doutant le Cheval, respond: Maistre, Grandement suis ioyeux questes venu me voir: Car iay tant mal au pied, quà peine me mouvoir Ie ne puis, ni aller pour gayement repaistre. Le Lion sabbaissant pour son mal recognoistre, Du Cheval si grand coup receut à limpourveve, Que les dents luy brisa, & offusqua la veve. Faintise & faussete souvent payent leur maistre. ALLVSION. PLusieurs vn beau semblant exterieurement Monstrent de vray ami, sous fausse ombre & couleur; Mais cependant ce sont ennemis vrayement, Cerchans leur propre gain, & dautruy le mal-heur: Contre tels il se faut de prudence & bon coeur Magnanime & constant armer totalement: Car prudence plus vaut que grande force ou heur, A celuy qui prevoit son malheur sagement. <bv>MATH. VII.</bv> <bt>Soigneusement nous faut garder des faux prophetes, Seducteurs tres pervers, & malings interpretes: Car ils vont practicant sous fausse ombre & couleur, Du droit & vray chemin nous tirer en erreur.</bt> {ill} XII. Du Berger menteur. Qui a mentir bien souvent saccoustume, Quand il vray, mentir on le presume. SVR vn mont verdoyant menoit vn Berger paistre Ces petits aignelets & brebis gayement: Et bien souvent par ieu, en mentant faussement, A des autres Bergers il donnoit a cognoistre, Que de loin il veoit vn grand loup apparoistre: Dont iceux accourans pour laider au besoin, Et se voyans trompez, plus de luy nont eu soin. Souvent on voit mocqueurs leurs bourdes comparoistre Il advint peu apres quvn grand loup vrayement, Pendant que ce Berger a lombre estoit assis, Charge dessus son dos vne de ses brebis. Ce que voyant, accourt bien tost & vistement Pour secours; en criant Au loup, bien hautement. Mais les autres, pensans quil mentoit derechef, Lont laisse au besoin; dont receut se meschef. Tel se pense moquer, qui souvent sen repent. ALLVSION. PAreillement celuy qui est accoustume De mentir bien souvent, quoy que verite dise Par apres, il nest creu. Parquoy a tous iadvise De vivre tellement, que son dire estime Soit de tous veritable: lors il sera aime. Car qui a trop parler, & a mentir sadonne, Son honneur laschement il perd & abandonne. Vn menteur tousiours est bien fort desestime. <bv>PROV. X, XXI, & XXIX.</bv> <bt>Vn Prince qui se plaist douir parler mensonge, Et qui donne audience aux malings & flateurs, Iceluy a sa court remplie de mal-heurs. Et remors comme vn ver iour & nuict son coeur ronge.</bt> {ill} XIII. De lAsne & du Lievre. Nul nest si peu pourveu dentendement, Qua vn besoin ne serve aucunement. VN Lion se trouvant en estrange contree, Fantasie luy prend dequipper vne armee De beste a quatre pieds, quil fait a soy venir. Icelles sans arrest par montaigne & vallee Sont venues bien tost pour son droict maintenir. Or les ayant tous fait ensemble convenir, Il leur a declare quavoit sa foy juree, Faire guerre aux oiseaux, quoy quen deust advenir. Dequoy nous servira de lAsne la paresse, Et du Lievre du peur, dit lOurs, maistre honnorable? Le Lion luy respond: Du Lievre la vistesse, Et de lAsne la voix, en ce faict redoutable, Viendront bien a propos: car lvn prompt messager Nous sera au besoin, & lautre a hardiesse Vous incitera tous. Parquoy aide & addresse Il y a en chacun qui la scait employer. ALLVSION. LEsprit faux & maling qui regne en lennieux, Tousiours va machinant en quoy il pourra nuire Au simple & peu subtil: & pour mieux le destruire, Cerche par tous moyens de le rendre ennuieux Vers son superieur, par ses dits odieux. Mais il advient souvent, que ceux-là quinhabiles On repute & grossiers, maintesfois plus habiles Ils sont a vn besoin, que les ingenieux. <bv>ESAIE XXXIII.</bv> <bt>Qui mesprise lestat de son frere & prochain, Pour nestre cauteleux, malin, faux & rusé; Non seulement aura contre Dieu mesusé, Ains de luy il sera puni par grand desdain.</bt> {ill} XIIII. Combat des Bestes a quatre pieds, & des Oiseaux. IL faut tousiours auecque grand constance Donner secours aux siens, & assistance. LES Oiseaux ont livre bataille aux animaux, Auecque ferme espoir dobtenir la victoire: Et courageusement chacun par vne gloire Sefforce a lennemi de faire mille maux. La Chausouris voyant tels furieux assaux Au camp des animaux, tout à coup se retire, Craignant que les Oiseaux vinsent avoir du pire. Soldat qui sa baniere abandonne, est tresfaux. LAigle fort & vaillant avecque sa conduite, Tant ont les animaux travaillez & batus, Que plusieurs diceux ont mattez & abbatus: Dont ont tourne le doz, evitant leur poursuite. Les animaux, voyant leur troupe estre destruite, Trefues ont demande: & fait paction telle, Que lorde Chausouris ennemie mortelle Seroit de tous Oiseaux, pour avoir prins la fuite; Ne volant que de nuict, & au cler de la belle. ALLVSION. QVI a ioui du bien en quelque compaignie, Raison veut que le mal avec eux il supporte: Et qui de son devoir en tel faict se deporte, Digne est quil soit taxe dingrate vilenie. Nestce pas vn forsait de grande ignominie, Dabandonner pour peur ses amis au besoin? Cest alors quon deuroit de leur bien avoir soin, Et maintenir leur droict tant que dure la vie. <bv>DEVTERONOME XXIII.</bv> <bt>Quand vous voudrez aller contre autruy à la guerre, Jl vous convient garder de toute tyrannie: Car ce que contre droict se fait, cest vilenie. Tout vray soldat content se tient de son salaire.</bt> {ill} XV. De lElephant, & du Dragon. Rien il nadvient á creature aucune, Que par son fait, é sa propre rancune. LE Dragon, veneneux malin & sanguinaire, Iour & nuict va guettant lElephant valereux: A fin de son sang (dont est fort amoureux) A son cruel desir il puisse satis faire. Et pour tant mieux venir au bout de son affaire, De sa queve en surfaut il va enveloppant Sa iambe, & du museau les yeux envenimant. Sage est qui contremine au faict de ladversaire. Or layant le Dragon lElephant surmonte, Il tasche à se souler de son sang tout a lheure: Mais ce sera par trop a sa tresgrand malheure, Comme subsequemment vous sera raconte: Car sestant enyvre, comme il sestoit vante, Du sang de lElephant, estourdi chet a terre. Et lElephant sur luy affoibli mort laterre. Le vouloir dvn meschant nest iamais contente, ALLVSION. IL sen trouve plusieurs de si pervers courage, Gourmans du sang dautruy, que cesse nont in vie Ni repos en leur coeur, tant est rempli denvie, Quils nayent linnocent accable par leur rage. Mais il se voit en fin, que par leur mesme outrage Tousiours ils sont punis, car qui aucun malheur Machine contre autruy, iceluy pour tout seur Est de mesme puni, & souvent davantage. <bv>PROV. XI.</bv> <bv>ESAIE XXXII, LVII.</bv> <bt>Le mal que le meschant, qui na crainte de Dieu, Procure à linnocent, sur luy mesme redonde: Mais celuy qui à droit veut bien vivre en ce monde, Jl ne faut pas quenvie en son coeur aye lieu.</bt> {ill} XVI. De la vieille Cigogne. La raison veut, & le droict de nature, Que ieune au vieil pourchasse nourriture. LA Cigogne a le prix, cest chose assez notoire, Entre tous les Oiseaux de pure charite. Et par ces faicts elle a iceluy merite: Car ses petits maintient blancs & nets comme yvoire En leurs nids, sans danger; & qua manger & boire Ils ayent a foison: elle a si tresgrand cure, Que depuis le matin iusque a le nuict obscure Ne fait que travailler, dont a ce loz & gloire. Son espoir est aussi quiceux envers leurs ieunes Semblable charite monstreront & devoir, Et que pareillement feront appercevoir Quenvers elle au besoin nespargneront leurs peines, Comme raison requiert: car damour les enseignes, Cest que les ieunes soin ayent de la vieillesse, Comme les vieux ont eu deux durant leur ieunesse; Bien pour bien leur rendant selon les lois divines. ALLVSION. PAreillement aussi les parens doivent estre Soigneux pour leurs enfans, plus sans comparaison Prevoyans leur salut, que bestes sans raison, Qui nont soin seulement que pour leur corps repaistre. Et ce nest pas assez quon leur face cognoistre, Que pour boire & manger seulement soyent nez: Mais il faut quen vertu soyent endoctrinez: Car bon arbre bon fruict fait tousiours apparoistre. <bv>ECCLESIASTE. VII.</bv> <bt>PERE & Mere honorez par devë reverence; Car par eux estes nez, pour vivre a vostre tour: Et comme ils vous ont fait par vraye & pure amour, Vous aussi au besoin faites leur assistence.</bt> {ill} XVII. Du Cameleon. Cameleon de couleur variant, Semble au flateur de propos inconstant. LE Cameleon est animal de stature Trespetit; & si tient tousiours les yeux ouvers. Il ne vit que de lair, seul en tout lvnivers, Et diceluy il prend substance & nourriture. Sa peau dvne couleur est, & leschine dure; Mais transmuer se peut ventre, doz, quevë, & flanc, En toute autre couleur, excepte rouge & blanc. Bien mal changer lon peut ce quest contre nature. Dvne telle nature est le malin flateur, Lequel vit selon lair & humeur des personnes: Et selon quil les voit en tristesse ou en bonnes, Aussi scait demonstrer puis ioye & puis douleur: Mais en rouge il ne peut ni en blanche couleur Se changer; car ce sont les marques des vertus; Honte, & sincerite, contraire a ses abus, Qui de flateurs se garde, il aime son honneur. ALLVSION. FLateurs, & ruffiens, affronteurs, macquerelles, Pipeurs & flagorneurs, par miliers deux-ou trois Trouverez en la court des Princes & des Rois, Suivans les bons, morceaux, abusans les plus belles. Et leur plus grand souci, cest desmouvoir querelles Entre ceux qui tousiours ont este bons amis, Presumant quau lieu dvn des deux sera admis. Les traits des flateurs font au coeur playes mortelles. <bv>ESAIE V.</bv> <bv>OSEE VII.</bv> <bt>Malheur à qui le mal fait à croire estre bien, Et qui lobscure nuict prefere à la lumiere. Qui aussi maintiendrai contre raison matiere, De Dieu sera traicte comme Epicurien.</bt> {ill} XVIII. De Iupiter, & de la Mouche a miel. Chacun deuroit, pour point Dieu irriter, Plustost le bien, que le mal souhaiter. LA Mouche a miel offroit aux dieux en sacrifice Vn pain de son doux miel delicat & friant, Pour diceux obtenir vn don & benefice, Contre ceux qui leur miel es ruches vont prenant: A scavoir, que tous ceux qui dores-en avant Deux seront (en robant leur miel) picquez, quils meurent. Mais les dieux de son faict chacun se va moquant: Car pour le prouffit dvn, nest raison que tous pleurent. Iupiter mal content de liniuste requeste, Present les autres dieux a donne cest arrest: Que quiconque la Mouche a miel, petite beste, Picqueroit par desdain en la chair, que de fait, Y restant lesguillon, mourust pour son mal-fait: De mode que depuis, dicelle gist la vie En son seul esguillon; ce quà toutes desplait. Iuge sage & prudent iamais raison noublie. ALLVSION. PAreillement aussi celuy qui par rancune La mort de son prochain ou ruine procure, Sans aucune merci & sans pitie aucune, Il advient bien souvent, que Dieu par sa grand cure, Veut que le mal-vueillant la mesme peine endure, Dont cerchoit de charger linnocent sans raison. Demonstrant par cela, que mieux vaut quon endure, Que vengeance cercher, damour la vray poison. <bv>PROV. XXX.</bv> <bt>Salomon na requis a Dieu en sa priere, Que tous ses ennemis il chastie & confonde; Ains seulement luy a supplie, quen ce monde Pour vivre puisse auoir raisonnable matiere.</bt> {ill} XIX. Du Paon, & du Rossignol. Vivre deurions contents, sana murmurer, De ce quil plaist a dieu nous conceder. LE Paon tresglorieux esleve de courage, Faisant hommage A Iuno la deesse, (a laquelle est vove) Se plaignant luy a dit: Combien que dvn plumage Excellent soye orne, si ne suis-ie dove Dvn chant melodieux, (par chacun advove) Comme est le Rossignol, plaisant & gracieux: (Dont il na tous les dieux trop prise ni love) Mais lignorant iamais nest content ni heureux. Iuno a respondu au Paon tresarrogant, Que dores-en-avant Son coeur mettre devoit de son estre en repos. Car combien que ne sois, dit-elle, bien chantant Et plaisant comme luy, si nas-tu moins de los, Dvn si riche plumart que portes sur ton dos. Chacun en son estat deuroit, comme il est deu, Tresbien se contenter, & tenir en repos, Selon que peu ou prou est dove de vertu. ALLVSION. DIEV par sa grand bonte a eslargi sa grace En toute gent & lieu, pour leur maintenement: Et veut qua son parler donnent telle efficace, Refrenans leur orgueil, quen ait contentement. En sa vocation chacun humainement Se deuroit contenter, en rendant a Dieu grace. <bv>IEAN III.</bv> <bv>PSEAVME XXVIII.</bv> <bt>Soyons tousiours contents de ce que Dieu nous donne, Puis que nous navons rien que tout par sa bonté. Prenons aussi en gré ce quil veut & ordonne, Sans faire ou murmurer contre sa volontè.</bt> {ill} XX. Du Lion, & de la Souri. LE plus puissant, tant soit-il fort habile, Souvent besoin a dvn foible & debile. VN Lion fade & las par grand course & chaleur, A lombre reposant pour son mal soulager, Autour de luy a veu des Souris passager, Desquelles en a pris vne transie de peur. Icelle le flatant, non sans grande tremeur, Luy a dit: Lache moy, car pour toy honnorable Gibier ni prise suis, & moins mets sauourable. Ton beau parler, dit-il, la laschant, est ton heur. Advint bien tost apres, que le Lion courant Et sautant par les champs, se trouva prins aux lacs: Dont se print à rugir, querant ayde & soulas, Et qui de son malheur le vinse secourant. La souri du Lion du tout bien sasseurant, Ayant de luy receu si grande courtoisie, Vistement y accourt, & subit le deslie, Rongeant du lacs le neud, bien pour bien luy rendant. ALLVSION. TAnt plus lhomme est puissant & riche outre mesure, Tant plus foible doit & povre estre amiable. Car quand fortune veut, inconstante & instable, Nostre force se perd, & lavoir bien peu dure. Parquoy lhomme prudent & de bonne nature, Encore qua aucun puisse nuire, il craindra: Car combien quheureux soit, bien tost il adviendra Quvn moindre aider le peut, & aussi faire iniure. <bv>PROV. XXVII.</bv> <bt>Mieux vaut vn bon voisin & ami cordial, Qui au besoin est promt daider & secourir, Que tout lavoir humain quon scauroit acquerir: Car les biens point ne font lami tousiours loyal.</bt> {ill} XXI. La Mouche, & le Formi. Plus a priser est labeur ordinaire, Quoisiuete, a tout honneur contraire. LA Mouche arrogamment a la Formi soppose, Et prise son estat beaucoup plus que le sien; Luy reprochant questoit logee en terre & fien, Mangeant grains maigrement, quest vne povre chose: Et moy iournellement, ce que faire tu nose, Es grans palais Royaux me loge bravement, Et avec eux ie mange & boy friandement: Et quand soule ie suis, par tout ou veux repose. Le Formi ce oyant, interrompt son propos, Et luy respond a coup: Il est vray que iassemble Avecque grand travail en esté tout ensemble Les grains que puis trouver; mais cest pour a repos Vivre le froid hyver sous terre bien enclos; Et tu es en danger de lAraigne, & ses rets, Quelle tient en tous lieux pour tattrapper expres. Ceux qui pour gourmander saventurent, sont sots. ALLVSION. IL sen trouve plusieurs, qui au jour la iournee, Sans souci ca & la cerchent les bons morceaux: Iceux se peuvent bien resembler aux pourceaux, Desquels pour engraisser la vie est destinee. Mais qui avecque soin sa vie aura gaignee, Espargnant ce quil faut pour le temps advenir, Iceluy vous verrez à grans biens parvenir: Et de tels la fin est en honneur terminee. <bv>PROV. XVI.</bv> <bt>Mieux vaut petit avoir acquis avec honneur, Et diceluy vser selon Dieu & raison, Que grans biens mal acquis, & pompeuse maison. Car lavare, & oiseux, periront en mal-heur.</bt> {ill} XXII. Du Dogghe, & du Mouton. LES faux tesmoins portent tousiours dommage, Et à Iustice ils font tort & outrage. VN grand Dogghe affame, cruel & furieux, Pour du pain au Mouton preste, comme il disoit, Sans pitie ni respit il la tiré en droict; Et dit quil le rauroit, ou luy coustroit les yeux. Le Mouton, animal bien humble, & gracieux, A nie son assompt tout plat deuant le Iuge. Dont le Dogghe fasche, a tesmoins prend refuge. Procez qui est fonde sur tesmoins, est douteux. Le Dogghe trois tesmoins a trouve sans fallos, (Comme font bien souvent gallans de tels mestiers) Le vautour, le Milan, & le Loup pour le tiers; Du Mouton desirans plus la mort, que repos; Et si ont depose pour le Dogghe a propos. Parquoy son pain ravoir ou sa chair veut à lheure, Et dicelle souler ses tesmoins il asseure. Pour mal-faire vn meschant trouve plusieurs suppos. ALLVSION. IL advient tous les iours, que le povre innocent Des malings & pervers est assailli a mort. Et combien quil se plaigne au Iuge qua grand tort On le charge & accuse, & quil seroit decent Quon luy fisse raison: linique par present, Amis, aide & faveurs, ou faux tesmoins fait tant, Quil obtient ce quil veut au temps de maintenant. La balance plus tend vers lor, que vers largent. <bv>PROV. XXV.</bv> <bt>VN faux tesmoin lon peut vrayement comparer A vn glaive trenchant, & traict bien acere: Mais qui a linnocent fraude aura preparé, Devant Dieu ne saura sa faute reparer.</bt> {ill} XXIII. De lAsne charge de vivres. DES biens que Dieu ta donne a foison, Maintien ton corps, & les tiens par raison. VN lourdaut Paisan possedant du grand bien, Pour iceux augmenter mettoit toute sa cure; Accoustre en brimbeur, la mine tousiours sure, A peine osoit manger, beuvant eau comme vn chien. De travail tant erne, quil ne valoit plus rien; Soy-mesmes oubliant, pour tousiours assembler. A qui doit-on vn tel, vous semble-il, resembler, Sinon à vn poure Asne, & abject porte fien? Car vn Asne esclave est à chacun sur la terre, Les servant iour & nuict sans repos langoureux, Charge de plusieurs mets bien bons & odoreux; Toutesfois ne se scait a soy-mesmes bien faire: Et combien quavoine aye & foin pour son repaire, Si luy semblent chardons beaucoup plus savoureux. Souvent lamas des biens que parens font sur terre, Bien tost sont consumez par enfans vicieux. ALLVSION. TOut ainsi en advient au mal-heureux avare, Qui bien vivre pourroit, sil vouloit, à son aise, Et se donner bon temps, au lieu quest à mal-aise: Mais dvn tel monstre voir ce seroit chose rare. Dieu veut que dvn peche si infect & bisare Tout homme soit puni, & en paye lvsure, Puis quen mieux il ne veut changer lorde nature. Tel vit selon son sens, qui en fin le compare. <bv>PSEAVME LXI.</bv> <bt>En cas que Dieu te donne en ce monde richesses, Bien garder te convient de trop ne les cherir: Car les biens font souvent lame & le corps perir, Et le temps consumer en langueur & tristesses.</bt> {ill} XXIIII. De lvnique oiseau Phenix. Force defaut, & ieunesse se passe; Mais la vertu demeure & outre-passe. PHenix vnique oiseau, sans compaigne ou parture; Vivant, comme lon dit, des ans trois cens quarante; Au sommet dvn rocher, & riuiere courante, Fait son nid de bois sec, sans aucune verdure: Cognoissant per effect & instinct de nature, Que comme le Soleil toute chose fait croistre, Aussi en le bruslant, il le fera renaistre. De tout ce quest cree, Dieu prend le soin & cure. Ce Phenix met son corps caduque a laventure, Mesme allumant le feu par le vent de ses esles: Par ceci le grand Dieu demonstres es merveilles, Et que son ordonnance à tousiours vit & dure, Encore que tout soit subiect à pourriture, Faisant par sa vertu des cendres vn ver croistre, Qui dvn nouveau Phenix fait lidee apparoistre, Et donne vie à tout esprit, & nourriture. ALLVSION. A ce Phenix se peut Iesus Christ comparer, Qui dvne vraye amour pour nous a souffert mort, Et par icelle a fait envers Dieu nostre accort; Tel que Satan ne peut rompre ni separer. Qui doncques par amour veut a luy adherer, En mourant renaistra en nouueauté de vie: Et de ce corps pourri, (quoy quau diable il ennuie) Vn Phenix renaistra pour a iamais durer. <bv>EPHES. IIII.</bv> <bt>Mortifions la chair caducque & perissable, Par lEsprit du grand Dieu, qui a mis vie en nous: Et vivons par amour ensemblement trestous, Christ nous reaifiera en Phenix perdurable.</bt> {ill} |