Etienne Perret - XXV Fables des Animaux - 1578
Etienne Perret, XXV Fables des Animaux. Antwerpen, 1578
Transcriptie o.b.v. de facsimile-editie met een voorwoord van M. Fumaroli (Presses universitaires de France [Genève], 2007).
Dit digitale bestand is gemaakt door Dirk Geirnaert (Instituut voor de Nederlandse Taal / Universiteit Leiden), in het kader van het NWO-project Aesopian Fables 1500-2010: Word, Image, Education. Voor dit project werden ook transcripties gemaakt van Eduard de Dene, De warachtighe fabulen der dieren (Brugge, 1567), Esbat[e]ment Moral des Animaux (Antwerpen, 1578), Anthoni Smyters, Esopus fabelen (Rotterdam, 1612) en Etienne Perret, XXV Fables des Animaux (Delft, 1618).
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- de bladvullende illustratie bij elke fabel is vervangen door de aanduiding {ill};
- onder de Allusion staan bijbelcitaten; deze bijbelcitaten bestaan uit het bijbelvers (tussen <bv></bv>) en de bijbeltekst (tussen <bt></bt>).
XXV.
FABLES DES ANIMAVX.
Vray miroir exemplaire,
PAR LEQVEL TOVTE PERSONNE RAI-
sonnable pourra voir & comprendre, auec plaisir & contente-
ment desprit, la conformité & vraye similitude de la p[ersonne
ignorante (viuante selon les sensualitez charnelles) aux ani-
maux & bestes brutes:
COMPOSÉ ET MIS EN LVMIERE
PAR ESTIENNE PERRET,
CITOYEN DANVERS.
[ ]
A ANVERS
Imprimé par Christophle Plantin, pour lAucteur.
M. D. LXXVIII.
En ce Liure verrez belle comparaison,
De lhomme à lanimal, qui vit contre raison.
LAVCTEVR AV LECTEVR.
E stimer il nous faut la personne viuante
S elon laffection charnelle, sans raison,
T el & moins quon feroit vn asne, ou vn oison;
I uge jen fay chacun qui de sauoir se vante.
E t pensons-nous que Dieu, qui de sa main puissante
N ous a ainsi douez (le craingnant) de science,
N e nous chastie aussi pour nostre grand offence,
E n layant oublié, comme beste inconstante?
P our doncques resister à la chair arrogante,
E t acquerir de Dieu ce don promis de grace,
R efrener il la faut, a fin quelle ne face
R ien contre la raison, comme beste ignorante:
E mployant nostre esprit (quest de Dieu lefficace)
T ellement quacquerions sa gloire triomphante.
<bv>PSEAVME VIII.</bv>
<bt>SEIGNEVR Dieu, tu as fait & creé pour lvsage
De lhomme tout ce qui est apparent a ses yeux:
Tellement quil ny a animal sous les cieux
Quil ne face fremir, sil est prudent & sage.</bt>
{ill}
I.
Du Cheual de guerre, & de la Truye.
Il vaut trop mieux mourir auec honneur,
Que mal viuant acquerir deshonneur.
VN Cheual fort gaillard & brave outre mesure
Richement adorné, & en bel equipage,
Sur sa teste portant vn bien riche pennage,
Vers la guerre est allé pour seruir de monture.
Vne Truye voyant son maintien & allure
Tant braue & orgueilleux, luy a dit: Poure beste,
Tu ne retourneras si ioyeux de la feste:
Car qui la guerre suit, vit en grand auenture.
Le Cheual ce oyant, en regardant la Truye,
Qui grand plaisir prenoit soy veautrer en lordure,
Luy a dit: Mieux me vaut honorable auenture
Acquerir par trauail, au vent & à la pluye;
Que viure comme toy, qui de rien te soucie,
Fors quà toy engraisser, viuant bien ordement,
Attendant quon te tue vn iour cruellement.
Qui aime oisiueté, dhonneur neut oncq enuie.
ALLVSION
AINSI plusieurs chetifs & vilaines personnes
Tresmalings & peruers, suiuant tout leur desir
Charnel & vicieux, viuants à leur plaisir,
Tousiours vont reprenant ceux qui font oeuures bonnes:
Esbahir ne sen faut, car leurs humeurs consonnes
Ne sont aux vertueux, qui ne taschent quà croistre
Leur renom par bien-faicts, & se faire cognoistre,
Plus leur force monstrant que lions & lionnes.
<bv>GALAT. VI</bv>
<bt>QVE chacun prudemment bien espreuue son oeuure,
Lors pour vray gloire aura en soy, non en autruy.
Ne mettons point aussi sur autruy nostre appuy;
Car Dieu cognoist les coeurs, & nos mal-faits descoeuure.</bt>
{ill}
II.
De lAigle, & Limasson.
Celuy qui cerche à trop haut sexalter,
Lon voit souuent bien bas precipiter.
LE Limasson fasché de se trainer par terre,
Promet de fort grans dons à celuy qui voudroit
Dici bas lesleuer enuers le ciel tout droit:
Et quen outre seroit tousiours son tributaire.
LAigle oyant ces propos, pour de luy proufit traire,
Haut il la esleué, dont a esté ioyeux:
Et bien luy a semblé tel estat valloir mieux,
Quen ce monde mener vie si solitaire.
Le Limasson en lair menoit ioyeuse vie,
Pensant quici bas plus sur terre ne viendroit:
Mais lAigle luy a dit, Paye-moy or endroit
Ce que tu mas promis, auant que trop mennuie.
Dont la Limasse eut peur: & bien fort lAigle prie
De le vouloir quitter, dequoy par trop faché,
Entre les ongles vif la par piece escaché.
Promettre lon ne doit, ce que pouuoir denie.
ALLVSION.
Le cas pareil souuent à plusieurs il aduient,
Qui par ambition cerchent de sexalter,
Ne pouuans leurs desirs par raison contenter:
Parquoy tresgrand malheur tout à coup leur suruient.
Mais qui en son estat bien content se maintient,
Et rend graces à Dieu de ce quil luy enuoye,
Iceluy a son coeur en repos plain de ioye.
A lorgueilleux tousiours quelque malheur aduient.
<bv>LVCAE XII.</bv>
<bt>CELVY qui est content de sa vocation,
Et par orgueil ne cerche à trop soy exalter,
En vertu & en biens le verrez augmenter,
Et pourement finer qui cerche ambition.</bt>
{ill}
III.
Du Lion, & du Sanglier.
Le mal de lvn, comme on voit en ce monde,
Tousiours au bien de quelque autre redonde.
LE Lion courageux en son chemin rencontre
Vn Sanglier furieux, tout prest à loutrager:
Et lapprochant de pres, Il te faut reuenger,
Dit-il, ou de mes dents te donray mal-encontre.
Le Lion gayement sa force luy demonstre,
Se sentant si à coup vilement outrager;
Et si luy saute à dos, sans se descourager:
Lvn à lautre au mieux mieux sa force là desmontre.
Vn Vautour les voyant en si fiere bataille,
Bien attentiuement assis sur vne branche,
Voyant le sang couler tout du long de leur hanche,
Sasseure de remplir daucun deux son entraille,
Veu quainsi sassailloyent & destoc & de taille.
Mais en la fin changea sa ioye en desconfort,
Car nul ne fut vaincu; cestoit fort contre fort.
Tel en vain maintesfois son esprit fort trauaille.
ALLVSION.
LE pareil tous les iours voit-on en tous estats,
Et sur tout entre ceux qui ne craignent point Dieu:
Car qui met son espoir sur hommes en tout lieu,
Ceux-là hayent la paix, & cherissent debats.
Quest-ce que plus esmeut questions & combats
Entre tous les humains, quEnuie & Auarice;
Et nostre propre gain, de tous maux la nourrice?
Cest la cause pourquoy Dieu nous chastie, helas!
<bv>APOCALYPSE II.</bv>
<bt>QVI sçait vaincre peché, du monde est le plus fort,
Et en tous griefs dangers se treuue soulagé.
Et qui patience a quand il est outragé,
Quil naye point de peur de la seconde mort.</bt>
{ill}
IIII.
Du Renard, & du Corbeau.
Le beau parler dvn flateur fort redoute;
Car bien souuent est trompé qui lescoute.
LE Corbeau en son becq tenoit vn gras fromage,
Sur vn arbre branché, pour diceluy repaistre.
Vn Renard le voyant, en finesse bon maistre,
Y accourt vistement: & monstrant bon visage,
Luy dit en le flattant, quoncques plus beau plumage
Il ne vist que le sien; ni oiseau mieux chantant:
Monstrant que pour louïr il estoit escoutant.
Vn flateur volontiers vse de faux langage.
Le Corbeau se sentant si grandement priser,
Et principalement son chant melodieux,
Commence à gazouiller: & le fromage vieux
Tombe en ouurant son becq, se laissant abuser.
Le Renard si lempoigne, & sans temporiser
Senfuit: & le Corbeau mal repeu, & dolent
Dauoir ce finart creu, trop tard il se repent.
Tousiours verrez flateurs aux mondains sadresser.
ALLVSION.
LE flateur a ses dicts & faicts fort variables;
Et monstre destre ami tant que fortune dure:
Mais soubs vn faux semblant rend peine & si procure
De vous tromper, sil peut, par ses traicts deceuables.
Garder donc il sen faut, puis que sont si instables;
Et croire au vray ami qui parle verité;
Aimant plus vostre bien que sa commodité.
Ceux qui croyent flateurs, en fin sont miserables.
<bv>ECCLESIASTE VII.</bv>
<bt>MIEVX dvn sage & prudent il vaut estre repris,
Et souffrir pour vn mieux, par son aduis, dommage;
Que dvn flateur peruers, par son faintif langage
Se laisser abuser, & à son grand mespris.</bt>
{ill}
V.
De Iupiter, & du Serpent.
Dons accepter lon ne doit de personne,
Sans bien penser quel est celuy qui donne.
IVPITER a tenu vn festin magnifique,
Auquel il a semons plusieurs dieux & deesses.
Et à fin de tant plus recreer leur noblesses,
Commande aux animaux par sa voix deifique,
Que chacun vn present rare & aromatique
Leur vinse presenter; sans mettre en oubliance
Le debuoir quvn chacun leur doit & reuerence;
Bannissant tous ceux-là qui ont le coeur inique.
Le Serpent cauteleux le premier se presente,
Vne rose tenant tres-belle en son museau:
Mais le dieu Iupiter bien cognoissant loiseau
Malin & veneneux, luy a dit, quindecente
Son offrande sembloit aux Dieux, & moins recente.
Et vn malin aussi ne se doit accepter
En bonne compaignie, ains du tout regetter,
Et accepter celuy qui loyauté attente.
ALLVSION.
TOVT ainsi en aduient au superstitieux,
Qui sous vn faux semblant veut à Dieu faire offrande;
Et cependant ne sçait ce quil dit ou demande,
Tant a le coeur malin, peruers, & odieux.
Dieu veut quayons le coeur pur, & non vicieux:
Ayant de nos pechez regret & repentance,
Et que dvn coeur contrit en facions penitence:
Carl e malin esprit nentrera point és cieux:
<bv>ECCLESIASTE XXXV.</bv>
<bt>LOFFRANDE du pecheur est à Dieu aggreable,
Et la senteur dicelle en monte iusque aux cieux,
Pourueu que le coeur soit en bien deuocieux;
Car Dieu au coeur contrit est tousiours fauorable.</bt>
{ill}
VI.
Du Cheual sans charge, & de lAsne chargé.
Chacun deuroit auoir cure & grand soin
De son prochain, & laider au besoin.
VN riche paisan en foire sen alloit,
Menant vn gras Cheual, non chargé, à la main:
Et son Asne il auoit, comme trop inhumain,
Tant chargé de fardeaux, que par force il falloit
Quil eust aide, ou tombast; tant le faix laffolloit.
Parquoy prie au Cheual de laider au besoin:
Mais refus luy en fait, de son mal nayant soin;
Et tant que peut de luy se moquant reculoit.
Le païsan fasché du refus quauoit fait
Le Cheual à son Asne, estant par terre cheut,
Par courroux vn desdain sur luy soudain conceut:
Et chargea sur son dos, pour peine du mesfait,
De lAsne le fardeau: dont nestant satisfait,
Tant de coups de baston luy donne quà merueille,
Le paysant à bon droict de monnoye pareille.
Et lAsne ce voyant, de son mal se refait.
ALLVSION.
SI nous voyons lami en danger ou en paine,
Et que nous ayons bien le moyen de laider,
Promptement le deurions faire, sans marchander.
Car lhomme vertueux, qui ne porte au coeur haine,
Du prochain a pitié, cest chose tres-certaine,
Et laide à supporter son mal autant que peut:
Mais le malin peruers ainsi faire ne veut,
Par ce que lennemi où il veut, il le meine.
<bv>LVC VI.</bv> <bv>GALATES VI</bv>
<bt>AIMEZ vos ennemis, viuans en ferme foy;
Et si faites plaisir à celuy gui vous hait:
Secourez le prochain, & de dit & de fait:
Car qui ainsi viura, accomplira la Loy.</bt>
{ill}
VII.
Le Rat domestique, & lHuistre.
Qui friamment veut du tout viure au monde,
Malheur le suit, & de tout vice abonde.
VN domestique Rat gros & gras à merueille,
Bien nourri friamment de viures à planté;
Mais ne se trouuant point de tout ce contenté,
De cercher nouueau mets prend cure nompareille,
Et pour le recouurer au possible trauaille:
Sortant de son manoir la fortune a tenté;
Et lair nouueau luy a son desir augmenté,
Peu se doutant du mal que pour luy sappareille.
Venant donc sur le bord de la marine, a veu
Vn Huistre, qui pour lair receuoir bien fort baille:
Cest toy, dit-il, que veux auoir, vaille que vaille,
Ne se doutant que tost se trouueroit deceu:
Car la teste mettant dans lHuistre à limpourueu,
En se hastant, de peur que ce morceau luy faille,
LHuistre par le museau lattrappe en son escaille.
Par vouloir gourmander ce dommage a receu.
ALLVSION.
AINSI aduient souuent à ceux qui saccoustument
De viure à leur plaisir, en lorde gourmandise:
Et pouuans accomplir leur grande friandise,
Estre les plus heureux de ce monde ils presument.
Mais tous ceux qui leur coeur dvn tel feu-grecq allument,
Et qui à labandon suiuent telle sottise,
Iceux ne craignent Dieu: & par leur grand bestise,
Leur ame, corps, & biens, en mal-heur ils consument.
<bv>HEBR. XII.</bv> <bv>ECCLES. XXIII, & XXXVII.</bv>
<bt>GOVRMANDISE pour vray engendre maladie;
Et Esau en perdit sa primogeniture:
Mais qui son corps maintient dhonneste nourriture,
Et qui sobre sera, ralongera sa vie.</bt>
{ill}
VIII.
Du Cheual, & de lAsne chargé de bois.
NVL ne se doit trop fier sur son heur,
Ni estimer trauail estre mal-heur.
LASNE qui iour & nuict au trauail tracassoit,
Et sobrement traité estoit pour recompense;
Voyant vn beau Cheual venir en sa presence,
Bien gras, & non chargé; mal-heureux sestimoit,
De porter tant de coups que souffrir luy failloit
Sans cesse & sans repos: & que le Cheual vie
Si gaye demenoit mais quoy quil luy ennuie
De sa vocation, il faut que content soit.
LAsne à laccoustumé au trauail continuë,
Combien quà contrecoeur, & bien plus laschement;
Parce que le Cheual il voyoit friamment
Estre traité, & luy à porter bois se tuë.
Aduint que le Cheual subit à limpourueuë
Fut selle & bridé pour aller à la guerre:
Ce que lAsne voyant, content sen va grand erre:
Et craingnant dauoir pis, en son mal sesuertë.
ALLVSION.
FORTVNE oncques ne fut si constante & prospere
A aucun, quen la fin ne luy donne mal-aise.
Et souuent il aduient, que qui vit à son aise,
Infortune le suit, & son bon-heur altere:
Et pensant estre seur, vne douleur amere
Le vient tost assaillir; tellement que sera
Poure esclaue & martyr, & ainsi il moura.
Que nul, pour bien ou mal, de son heur desespere.
<bv>I. CORINTH. X</bv>
<bt>CELUY qui est debout, preuoye prudemment
Que par ambition ne vienne à trebucher:
Car qui par son bon-heur vient à se desbaucher,
Dieu permet quen mal-heur il tombe impudemment.</bt>
{ill}
IX.
Le Païsan & le Satyre.
LHOMME faintif & dissimulateur,
Double en parler il est, & grand menteur.
VN Satyre en vn bois se trouuoit ayant froit:
Lequel à son grand heur vn Païsan rencontre:
Si luy dit: Mene-moy, ou le chemin me monstre
Pour sortir de ce lieu: car mon desir seroit
De tresbien me chauffer: cela me referoit.
Le Païsan tout court en sa maison le meine,
Rechauffant en chemin ses mains de son haleine.
Et dapprendre cest art, le Satyre aspiroit.
Quand furent arriuez, la femme leur presente
Vn escuelle à chacun pleine de chaut papin.
Le Païsan subit comme vn franc turlupin,
En la sienne a soufflé, & à menger attente:
Le Satyre en ceci son esprit fort tourmente,
Voyant quvn mesme vent eschauffe & refroidit:
Parquoy subit partant au Païsan a dit,
Mal-heureuse bouche est, qui souffle à double entente
ALLVSION.
IL sen trouue plusieurs, qui dvne mesme bouche
Grand bien diront dautruy, & subit en mesdisent:
En quoy les vertueux bien fort se formalisent;
Car le faintif parler iusques au coeur leur touche.
En quel plus grand danger ou cruelle escarmouche
Se pourroit-on trouuer, que de sestre fié
En vn faintif parleur de coeur falsifié?
Pour vray si cruel nest vn tygre tresfarouche.
<bv>ECCLES. II</bv> <bv>IACOB IIII.</bv>
<bt>MALHEVR à celuy-là qui est double de cueur,
Et qui du droit chemin à escient desuoye:
Aussi mal-heureux est, & de lennemi proye,
Qui son prochain tourmente, & le tient en langueur.</bt>
{ill}
X.
Du Serpent Basilicq, & de la Belette.
PRVDENT conseil est defficace telle,
Que vaincre sçait malignité mortelle.
LE Serpent Basilicq, cruel, plain de malice,
Peruers & vicieux, sans aucune pitié
Par son regard infect & grande inimitié,
Destruit tout ce quil void, tant est rempli de vice.
Aduint quen ce doutant, par naturel indice,
La Belette, animal trespetit, mais prudent,
Quaduenir luy deuoit vn peril euident,
Contre son ennemi print armure propice.
Larmure quil a prins, ca esté de la Ruë,
Herbe de grand vertu, fort contraire au venin:
Par lequel il a fait son ennemi malin
Vaillamment reculer, & esblouïr sa veuë.
Le Serpent se voyant ainsi à limpourueuë
Surpris dvne senteur qui le cuida creuer,
Le petit animal il laissa sans greuer.
Souuent vn foible corps la prudence esuertuë.
ALLVSION.
CHACVN estre deuroit prudent & sur sa garde,
Pour sçauoir en tout temps à lennemi peruers
Resister constamment: car cest la sauuegarde
Pour point nestre surpris par ses assaux diuers.
Et dvn grand ennemi les faux tours & reuers
Souuent vn petit corps par prudence retarde:
Car lesprit est du corps la vraye sauuegarde:
Mais limprudent nest bon que pour nourrir les vers.
<bv>LVC XI, XXI, & XXII.</bv>
<bt>LHOMME prudent & fort, qui bien sa maison garde,
Possede tout son bien en paix & sauuegarde:
Mais si autre plus fort suruient & le surmonte,
Lors tout ce qua luy prend, le confond, & le donte.</bt>
{ill}
XI.
Du Lion, & du Cheual.
SAGE & prudent faut estre & aduisé,
Pour resister au fin & faux rusé.
LE Lion, animal de tresfiere nature,
Vn Cheual a trouué en vn pré verdoyant:
Auquel a dit, questoit (de pres le costoyant)
Vn maistre qui sçauoit guerir toute blessure.
Parquoy si aucun mal tu as ou paine dure,
Di-le moy hardiment: car pitié fort me meut:
Et aussi suis celuy qui bien faire le peut.
Mais croire lon ne doit trompeur, combien quil iure.
De son dol se doutant le Cheual, respond: Maistre,
Grandement suis ioyeux questes venu me voir:
Car iay tant mal au pied, quà peine me mouuoir
Ie ne puis, ni aller pour gayement repaistre.
Le Lion sabbaissant pour son mal recognoistre,
Du Cheual si grand coup receut à limpourueuë,
Que les dents luy brisa, & offusqua la veuë.
Faintise & fausseté souuent payent leur maistre.
ALLVSION.
PLVSIEVRS vn beau semblant exterieurement
Monstrent de vray ami, sous fausse ombre & couleur;
Mais cependant ce sont ennemis vrayement,
Cerchans leur propre gain, & dautruy le mal-heur:
Contre tels il se faut de prudence & bon coeur
Magnanime & constant armer totalement:
Car prudence plus vaut que grande force ou heur,
A celuy qui preuoit son mal-heur sagement.
<bv>MATTH. VII.</bv>
<bt>SOIGNEVSEMENT nous faut garder des faux prophetes,
Seducteurs tres-peruers, & malings interpretes:
Car ils vont practicant sous fausse ombre & couleur,
Du droit & vray chemin nous tirer en erreur.</bt>
{ill}
XII.
Du Berger menteur.
Qui à mentir bien souuent saccoustume,
Quand il dit vray, mentir on le presume.
SVR vn mont verdoyant menoit vn Berger paistre
Ses petits aignelets & brebis gayement:
Et bien souuent par ieu, en mentant faussement,
A des autres Bergers il donnoit à cognoistre,
Que de loin il veoit vn grand loup apparoistre:
Dont iceux accourans pour laider au besoin,
Et se voyans trompez, plus de luy nont eu soin.
Souuent on voit mocqueurs leurs bourdes comparoistre.
Il aduint peu apres quvn grand loup vrayement,
Pendant que ce Berger à lombre estoit assis,
Charge dessus son dos vne de ses brebis.
Ce que voyant, accourt bien tost & vistement
Pour secours; en criant Au loup, bien hautement.
Mais les autres, pensans quil mentoit derechef,
Lont laissé au besoin; dont receut ce meschef.
Tel se pense moquer, qui souuent sen repent.
ALLVSION.
PAREILLEMENT celuy qui est accoustumé
De mentir bien souuent, quoy que verité dise
Par apres, il nest creu. Parquoy à tous iaduise
De viure tellement, que son dire estimé
Soit de tous veritable: lors il sera aimé.
Car qui à trop parler, & à mentir sadonne,
Son honneur laschement il perd & abandonne.
Vn menteur tousiours est bien fort desestimé.
<bv>PROVERB. X, XXI, & XXIX.</bv>
<bt>VN Prince qui se plaist douïr parler mensonge,
Et qui donne audience aux malings & flateurs,
Iceluy a sa court remplie de mal-heurs.
Et remors comme vn ver iour & nuict son coeur ronge.</bt>
{ill}
XIII.
De lAsne, & du Lieure.
NVL nest si peu pourueu dentendement,
Quà vn besoin ne serue aucunement.
VN Lion se trouuant en estrange contree,
Fantasie luy prend dequipper vne armee
De beste à quatre pieds, quil fait à soy venir.
Icelles sans arrest par montaigne & vallee
Sont venues bien tost pour son droict maintenir.
Or les ayant tous fait ensemble conuenir,
Il leur a declaré quauoit sa foy iuree,
Faire guerre aux oiseaux, quoy quen deust aduenir.
Dequoy nous seruira de lAsne la paresse,
Et du Lieure la peur, dit lOurs, maistre honnorable?
Le Lion luy respond: Du Lieure la vistesse,
Et de lAsne la voix, en ce faict redoutable,
Viendront bien à propos: car lvn prompt messager
Nous sera au besoin, & lautre à hardiesse
Vous incitera tous. Parquoy aide & addresse
Il y a en chacun qui la sçait employer.
ALLVSION.
LESPRIT faux & maling qui regne en lenuieux,
Tousiours va machinant en quoy il pourra nuire
Au simple & peu subtil: & pour mieux le destruire,
Cerche par tous moyens de le rendre ennuieux
Vers son superieur, par ses dits odieux.
Mais il aduient souuent, que ceux-là quinhabiles
On repute & grossiers, maintesfois plus habiles
Ils sont à vn besoin, que les ingenieux.
<bv>ESAIE XXXIII.</bv>
<bt>QVI mesprise lestat de son frere & prochain,
Pour nestre cauteleux, malin, faux & rusé;
Non seulement aura contre Dieu mesusé,
Ains de luy il sera puni par grand desdain.</bt>
{ill}
XIIII.
Combat des Bestes à quatre pieds, & des Oiseaux.
IL faut tousiours auecque grand constance
Donner secours aux siens, & assistance.
LES Oiseaux ont liuré bataille aux animaux,
Auecque ferme espoir dobtenir la victoire:
Et courageusement chacun par vne gloire
Sefforce à lennemi de faire mille maux.
La Chausouris voyant tels furieux assaux
Au camp des animaux, tout à coup se retire,
Craignant que les Oiseaux vinsent auoir du pire.
Soldat qui sa baniere abandonne, est tresfaux.
LAigle fort & vaillant auecque sa conduite,
Tant ont les animaux trauaillez & batus,
Que plusieurs diceux ont mattez & abbatus:
Dont ont tourné le doz, euitant leur poursuite.
Les Animaux, voyans leur troupe estre destruite,
Trefues ont demandé: & fait paction telle,
Que lorde Chausouris ennemie mortelle
Seroit de tous Oiseaux, pour auoir prins la fuite;
Ne volant que de nuict, & au cler de la belle.
ALLVSION.
QVI a iouï du bien en quelque compaignie,
Raison veut que le mal auec eux il supporte:
Et qui de son deuoir en tel faict se deporte,
Digne est quil soit taxé dingrate vilenie.
Nest-ce pas vn forfait de grande ignominie,
Dabandonner pour peur ses amis au besoin?
Cest alors quon deuroit de leur bien auoir soin,
Et maintenir leur droict tant que dure la vie.
<bv>DEVTERONOME XXIII.</bv>
<bt>QVAND vous voudrez aller contre autruy à la guerre,
Il vous conuient garder de toute tyrannie:
Car ce que contre droict se fait, cest vilenie.
Tout vray soldat content se tient de son salaire.</bt>
{ill}
XV.
De lElephant, & du Dragon.
RIEN il naduient à creature aucune,
Que par son fait, & sa propre rancune.
LE Dragon veneneux malin & sanguinaire,
Iour & nuict va guettant lElephant valereux;
A fin de son sang (dont est fort amoureux)
A son cruel desir il puisse satisfaire.
Et pour tant mieux venir au bout de son affaire,
De sa queuë en sursaut il va enueloppant
Sa iambe, & du museau les yeux enuenimant.
Sage est qui contremine au faict de laduersaire.
Or ayant le Dragon lElephant surmonté,
Il tasche à se souler de son sang tout à lheure:
Mais ce sera par trop à sa tresgrand mal-heure,
Comme subsequemment vous sera raconté:
Car sestant enyuré, comme il sestoit vanté,
Du sang de lElephant, estourdi chet à terre.
Et lElephant sur luy affoibli mort laterre.
Le vouloir dvn meschant nest iamais contenté.
ALLVSION.
IL sen trouue plusieurs de si peruers courage,
Gourmans du sang dautruy, que cesse nont ni vie
Ni repos en leur coeur, tant est rempli denuie,
Quils nayent linnocent accablé par leur rage.
Mais il se voit en fin, que par leur mesme outrage
Tousiours ils sont punis. Car qui aucun mal-heur
Machine contre autruy, iceluy pour tout seur
Est de mesme puni, & souuent dauantage.
<bv>PROVERB. XI.</bv> <bv>ESAIE XXXII, LVII.</bv>
<bt>LE mal que le meschant, qui na crainte de Dieu,
Procure à linnocent, sur luy mesme redonde:
Mais celuy qui à droit veut bien viure en ce monde,
Il ne faut pas quenuie en son coeur aye lieu.</bt>
{ill}
XVI.
De la vieille Cigogne.
LA raison veut, & le droict de nature,
Que ieune au vieil pourchasse nourriture.
LA Cigogne a le prix, cest chose assez notoire,
Entre tous les oiseaux de pure charité.
Et par ces faicts elle a iceluy merité:
Car ses petits maintient blancs & nets comme yuoire
En leurs nids, sans danger; & quà manger & boire
Ils ayent à foison: elle a si tresgrand cure,
Que depuis le matin iusque à le nuict obscure
Ne fait que trauailler, dont a ce loz & gloire.
Son espoir est aussi quiceux enuers leurs ieunes
Semblable charité monstreront & deuoir,
Et que pareillement feront apperceuoir
Quenuers elle au besoin nespargneront leurs peines,
Comme raison requiert: car damour les enseignes,
Cest que les ieunes soin ayent de la vieillesse,
Comme les vieux ont eu deux durant leur ieunesse;
Bien pour bien leur rendant selon les lois diuines.
ALLVSION.
PAREILLEMENT aussi les parens doiuent estre
Soigneux pour leurs enfans, plus sans comparaison
Preuoyans leur salut, que bestes sans raison,
Qui nont soin seulement que pour leur corps repaistre.
Et ce nest pas assez quon leur face cognoistre,
Que pour boire & manger seulement soyent nez:
Mais il faut quen vertu soyent endoctrinez:
Car bon arbre bon fruict fait tousiours apparoistre.
<bv>ECCLESIASTE VII.</bv>
<bt>PERE & mere honorez par deuë reuerence;
Car par eux estes nez, pour viure à vostre tour:
Et comme ils vous ont fait par vraye & pure amour,
Vous aussi au besoin faites leur assistence.</bt>
{ill}
XVII.
Du Cameleon.
CAMELEON de couleur variant,
Semble au flateur de propos inconstant.
LE Cameleon est animal de stature
Trespetit; & si tient tousiours les yeux ouuers.
Il ne vit que de lair, seul en tout lvniuers,
Et diceluy il prend substance & nourriture.
Sa peau dvne couleur est, & leschine dure;
Mais transmuer se peut ventre, doz, queuë, & flanc,
En toute autre couleur, excepté rouge & blanc.
Bien mal changer lon peut ce quest contre nature.
Dvne telle nature est le malin flateur,
Lequel vit selon lair & humeur des personnes:
Et selon quil les voit en tristesse ou en bonnes,
Aussi sçait demonstrer puis ioye & puis douleur:
Mais en rouge il ne peut ni en blanche couleur
Se changer; car ce sont les marques des vertus;
Honte, & sincerité, contraire à ses abus.
Qui de flateurs se garde, il aime son honneur.
ALLVSION.
FLATEVRS, & ruffiens, affronteurs, macquerelles,
Pipeurs & flagorneurs, par miliers deux ou trois
Trouuerez en la court des Princes & des Rois,
Suiuans les bons morceaux, abusans les plus belles.
Et leur plus grand souci, cest desmouuoir querelles
Entre ceux qui tousiours ont esté bons amis,
Presumant quau lieu dvn des deux sera admis.
Les traits des flateurs font au coeur playes mortelles.
<bv>ESAIE V.</bv> <bv>OSEE VII.</bv>
<bt>MALHEVR à qui le mal fait à croire estre bien,
Et qui lobscure nuict prefere à la lumiere.
Qui aussi maintiendra contre raison matiere,
De Dieu sera traicté comme Epicurien.</bt>
{ill}
XVIII.
De Iupiter, & de la Mouche à miel.
CHACVN deuroit, pour point Dieu irriter,
Plustost le bien, que le mal souhaiter.
LA Mouche à miel offroit aux dieux en sacrifice
Vn pain de son doux miel delicat & friant,
Pour diceux obtenir vn don & benefice,
Contre ceux qui leur miel és ruches vont prenant:
A sçauoir, que tous ceux qui dores-en-auant
Deux seront (en robant leur miel) picquez, quils meurent.
Mais les dieux de son faict chacun se va moquant:
Car pour le prouffit dvn, nest raison que tous pleurent.
Iupiter mal content de liniuste requeste,
Present les autres dieux a donné cest arrest:
Que quiconque la Mouche à miel, petite beste,
Picqueroit par desdain en la chair, que de fait,
Y restant lesguillon, mourust pour son mal-fait:
De mode que depuis, dicelle gist la vie
En son seul esguillon; ce quà toutes desplait.
Iuge sage & prudent iamais raison noublie.
ALLVSION.
PAREILLEMENT aussi celuy qui par rancune
La mort de son prochain ou ruine procure,
Sans aucune merci, & sans pitié aucune,
Il aduient bien souuent, que Dieu par sa grand cure,
Veut que le mal-vueillant la mesme peine endure,
Dont cerchoit de charger linnocent sans raison:
Demonstrant par cela, que mieux vaut quon endure,
Que vengeance cercher, damour la vray poison.
<bv>PROVERB. XXX.</bv>
<bt>SALOMON na requis à Dieu en sa priere,
Que tous ses ennemis il chastie & confonde;
Ains seulement luy a supplié, quen ce monde
Pour viure puisse auoir raisonnable matiere.</bt>
{ill}
XIX.
Du Paon, & du Rossignol.
Viure deurions contents, sana murmurer,
De ce quil plaist à Dieu nous conceder.
LE Paon tresglorieux esleué de courage,
Faisant hommage
A Iuno la deesse, (à laquelle est voué)
Se plaignant luy a dit: Combien que dvn plumage
Excellent soye orné, si ne suis-ie doué
Dvn chant melodieux, (par chacun aduoué)
Comme est le Rossignol, plaisant & gracieux:
(Dont il na tous les dieux trop prisé ni loué)
Mais lignorant iamais nest content ni heureux.
Iuno a respondu au Paon tresarrogant,
Que dores-en-auant
Son coeur mettre deuoit de son estre en repos.
Car combien que ne sois, dit-elle, bien chantant
Et plaisant comme luy, si nas-tu moins de los,
Dvn si riche plumart que portes sur ton dos.
Chacun en son estat deuroit, comme il est deu,
Tresbien se contenter, & tenir en repos,
Selon que peu ou prou est doué de vertu.
ALLVSION.
DIEV par sa grand bonté a eslargi sa grace
En toute gent & lieu, pour leur maintenement:
Et veut quà son parler donnent telle efficace,
Refrenans leur orgueil, quen ait contentement.
En sa vocation chacun humainement
Se deuroit contenter, en rendant à Dieu grace.
<bv>IEAN III.</bv> <bv>PSEAVME XXVIII.</bv>
<bt>SOYONS tousiours contents de ce que Dieu nous donne,
Puis que nous nauons rien que tout par sa bonté.
Prenons aussi en gré ce quil veut & ordonne,
Sans faire ou murmurer contre sa volonté.</bt>
{ill}
XX.
Du Lion, & de la Souri.
LE plus puissant, tant soit-il fort habile,
Souuent besoin a dvn foible & debile.
VN Lion fade & las par grand course & chaleur,
A lombre reposant pour son mal soulager,
Autour de luy a veu des Souris passager,
Desquelles en a pris vne, transie de peur.
Icelle le flatant, non sans grande tremeur,
Luy a dit: Lache moy, car pour toy honnorable
Gibier ni prise suis, & moins mets sauourable.
Ton beau parler, dit-il, la laschant, est ton heur.
Aduint bien tost apres, que le Lion courant
Et sautant par les champs, se trouua prins aux lacs:
Dont se print à rugir, querant ayde & soulas,
Et qui de son malheur le vinse secourant.
La Souri du Lion du tout bien sasseurant,
Ayant de luy receu si grande courtoisie,
Vistement y accourt, & subit le deslie,
Rongeant du lacs le neud, bien pour bien luy rendant.
ALLVSION.
TANT plus lhomme est puissant & riche outre mesure,
Tant plus foible doit & poure estre amiable.
Car quand fortune veut, inconstante & instable,
Nostre force se perd, & lauoir bien peu dure.
Parquoy lhomme prudent & de bonne nature,
Encore quà aucun puisse nuire, il craindra:
Car combien quheureux soit, bien tost il aduiendra
Quvn moindre aider le peut, & aussi faire iniure.
<bv>PROVERB. XXVII.</bv>
<bt>MIEUX vaut vn bon voisin & ami cordial,
Qui au besoin est prompt daider & secourir,
Que tout lauoir humain quon sçauroit acquerir:
Car les biens point ne font lami tousiours loyal.</bt>
{ill}
XXI.
La Mouche, & le Formi.
PLVS à priser est labeur ordinaire,
Quoisiueté, à tout honneur contraire.
LA Mouche arrogamment à la Formi soppose,
Et prise son estat beaucoup plus que le sien;
Luy reprochant questoit logée en terre & fien,
Mangeant grains maigrement, quest vne poure chose:
Et moy iournellement, ce que faire tu nose,
Es grans palais Royaux me loge brauement,
Et auec eux ie mange & boy friandement:
Et quand soule ie suis, par tout où veux repose.
Le Formi ce oyant, interrompt son propos,
Et luy respond à coup: Il est vray que iassemble
Auecque grand trauail en esté tout ensemble
Les grains que puis trouuer; mais cest pour à repos
Viure le froid hyuer sous terre bien enclos;
Et tu es en danger de lAraigne, & ses rets,
Quelle tient en tous lieux pour tattrapper expres.
Ceux qui pour gourmander sauenturent, sont sots.
ALLVSION.
IL sen trouue plusieurs, qui au iour la iournée,
Sans souci çà & là cerchent les bons morceaux:
Iceux se peuuent bien resembler aux pourceaux,
Desquels pour engraisser la vie est destinée.
Mais qui auecque soin sa vie aura gaignée,
Espargnant ce quil faut pour le temps aduenir,
Iceluy vous verrez à grans biens paruenir:
Et de tels la fin est en honneur terminée.
<bv>PROVERB. XVI.</bv>
<bt>MIEVX vaut petit auoir acquis auec honneur,
Et diceluy vser selon Dieu & raison,
Que grans biens mal acquis, & pompeuse maison.
Car lauare, & oiseux, periront en mal-heur.</bt>
{ill}
XXII.
Du Dogghe, & du Mouton.
LES faux tesmoins portent tousiours dommage,
Et à Iustice ils font tort & outrage.
VN grand Dogghe affamé, cruel & furieux,
Pour du pain au Mouton presté, comme il disoit,
Sans pitié ni respit il la tiré en droict;
Et dit quil le rauroit, ou luy coustroit les yeux.
Le Mouton, animal bien humble, & gracieux,
A nié son assompt tout plat deuant le Iuge.
Dont le Dogghe fasché, à tesmoins prend refuge.
Procez qui est fondé sur tesmoins, est douteux.
Le Dogghe trois tesmoins a trouué sans fallos,
(Comme font bien souuent gallans de tels mestiers)
Le Vautour, le Milan, & le Loup pour le tiers;
Du Mouton desirans plus la mort, que repos;
Et si ont deposé pour le Dogghe à propos.
Parquoy son pain rauoir ou sa chair veut à lheure,
Et dicelle souler ses tesmoins il asseure.
Pour mal-faire vn meschant trouue plusieurs suppos.
ALLVSION.
IL aduient tous les iours, que le poure innocent
Des malings & peruers est assailli à mort.
Et combien quil se plaigne au Iuge quà grand tort
On le charge & accuse, & quil seroit decent
Quon luy fisse raison: linique par present,
Amis, aide & faueurs, ou faux tesmoins fait tant,
Quil obtient ce quil veut au temps de maintenant.
La balance plus tend vers lor, que vers largent.
<bv>PROVERB. XXV.</bv>
<bt>VN faux tesmoin lon peut vrayement comparer
A vn glaiue trenchant, & traict bien aceré:
Mais qui à linnocent fraude aura preparé,
Deuant Dieu ne saura sa faute reparer.</bt>
{ill}
XXIII.
De lAsne chargé de viures.
DES biens que Dieu ta donné à foison,
Maintien ton corps, & les tiens par raison.
VN lourdaut Païsan possedant du grand bien,
Pour iceux augmenter mettoit toute sa cure;
Accoustré en brimbeur, la mine tousiours sure,
A peine osoit manger, beuuant eau comme vn chien.
De trauail tant erné, quil ne valoit plus rien;
Soy-mesmes oubliant, pour tousiours assembler.
A qui doit-on vn tel, vous semble-il, resembler,
Sinon à vn poure Asne, & abject porte-fien?
Car vn Asne esclaue est à chacun sur la terre,
Les seruant iour & nuict sans repos langoureux,
Chargé de plusieurs mets bien bons & odoreux;
Toutesfois ne se sçait à soy-mesmes bien faire:
Et combien quauoine aye & foin pour son repaire,
Si luy semblent chardons beaucoup plus sauoureux.
Souuent lamas des biens que parens font sur terre,
Bien tost sont consumez par enfans vicieux.
ALLVSION.
TOVT ainsi en aduient au mal-heureux auare,
Qui bien viure pourroit, sil vouloit, à son aise,
Et se donner bon temps, au lieu quest à mal-aise:
Mais dvn tel monstre voir ce seroit chose rare.
Dieu veut que dvn peché si infect & bisare
Tout homme soit puni, & en paye lvsure,
Puis quen mieux il ne veut changer lorde nature.
Tel vit selon son sens, qui en fin le compare.
<bv>PSEAVME LXI.</bv>
<bt>EN cas que Dieu te donne en ce monde richesses,
Bien garder te conuient de trop ne les cherir:
Car les biens font souuent lame & le corps perir,
Et le temps consumer en langueur & tristesses.</bt>
{ill}
XXIIII.
De lvnique oiseau Phenix.
FORCE defaut, & ieunesse se passe;
Mais la vertu demeure & outre-passe.
PHENIX vnique oiseau, sans compaigne ou parture;
Viuant, comme lon dit, des ans trois cens quarante;
Au sommet dvn rocher, & riuiere courante,
Fait son nid de bois sec, sans aucune verdure:
Cognoissant par effect & instinct de nature,
Que comme le Soleil toute chose fait croistre,
Aussi en le bruslant, il le fera renaistre.
De tout ce quest creé, Dieu prend le soin & cure.
Ce Phenix met son corps caduque à lauenture,
Mesme allumant le feu par le vent de ses esles:
Par ceci le grand Dieu demonstres es merueilles,
Et que son ordonnance à tousiours vit & dure,
Encore que tout soit subiect à pourriture,
Faisant par sa vertu des cendres vn ver croistre,
Qui dvn nouueau Phenix fait lidee apparoistre,
Et donne vie à tout esprit, & nourriture.
ALLVSION.
A CE Phenix se peut Iesus Christ comparer,
Qui dvne vraye amour pour nous a souffert mort,
Et par icelle a fait enuers Dieu nostre accort;
Tel que Satan ne peut rompre ni separer.
Qui doncques par amour veut à luy adherer,
En mourant renaistra en nouueauté de vie:
Et de ce corps pourri, (quoy quau diable il ennuie)
Vn Phenix renaistra pour à iamais durer.
<bv>EPHES. IIII.</bv>
<bt>MORTIFIONS la chair caducque & perissable,
Par lEsprit du grand Dieu, qui a mis vie en nous:
Et viuons par amour ensemblement trestous,
Christ nous reuifiera en Phenix perdurable.</bt>
{ill}
EXTRAIT DV PRIVILEGE.
LA Maiesté Catholique a permis à Estienne Perret, citoyen dAnuers, de faire imprimer, & mettre en vente ce liure intitulé XXV. Fables des Animaux, &c. Auec inhibitions & defenses à tous marchans Libraires, Jmprimeurs, & autres quelconques, de limprimer, ou faire imprimer, ou ailleurs imprimé le vendre ne distribuer, sans le vouloir & consentement diceluy Perret, dedans le temps & terme de six ans consecutifs: Et ce sur peine de confiscation desdicts Liures, & damende arbitraire; comme plus à plein est contenu en loriginal. Faict en Anuers, le penultieme de Decembre, M. D. LXXVII.
Signé
Nic. De Zoete.
En ce Liure ny a rien qui soit contre la foy & Religion Catholique.
Walterus vander Steeghen, S. Theolog. Licentiatus, Canonicus Antuerpiensis.
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